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LE MONDE / 28 Avril 1999 / Supplément
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LE MONDE INTERACTIF LES NOUVELLES TECHNOLOGIES |
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L'ENQUETE Start-up : où investir pour réussir ? |
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Deux pionniers à la conquête de l'Ouest |
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Quinze ans après avoir créé Neuron Data dans la Silicon Valley, Jean-Marie Chauvet et Patrick Perez parrainent les débutants |
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UN LEGER EMBONPOINT, quelques cheveux qui commencent à blanchir, des costumes stricts et chics. Aux abords de la quarantaine, Jean- Marie Chauvet et Patrick Perez, d'apparence, ne ressemblent plus à leurs photos. Ce sont pourtant bien eux, sur ces clichés de 1984 dont les couleurs ont légèrement passé avec le temps : cheveux longs, jeans délavés, sacs à dos, et pas un sou vaillant. Contraste. On a un peu de mal à imaginer les deux prospères hommes d'affaires qu'ils sont devenus aujourd'hui couchant dans des duvets froissés, squattant des chambres exiguës, câblant un hangar sans âme qui leur servira de premier bureau. A leur manière, Jean-Marie Chauvet et Patrick Perez sont des pionniers du Nouveau Monde. S'ils ont choisi, il y a quinze ans, quoi qu'il en coûte, d'aller s'installer dans la Silicon Valley, à Palo Alto, ce n'était pas seulement par défi. " Nous n'avions pas vraiment le choix, explique Jean-Marie Chauvet. A l'époque, le capital- risque en France ne disposait pas de beaucoup de fonds. Les institutions financières et le vieux capitalisme européen n'étaient pas ouverts au risque. " Va donc pour les Etats-Unis. Jean-Marie Chauvet est spécialiste en télécommunications. Patrick Perez est frais émoulu de HEC. Avec un ami, Alain Rappaport, médecin de formation, qui s'envole avec eux, ils ont mis au point un prototype de logiciel expert sur Macintosh, Nexpert. Rien de bien révolutionnaire, en vérité. Sinon que ce genre d'application, qui fait appel à l'intelligence artificielle et est utilisé dans l'aide au diagnostic ou dans le calcul de l'évaluation du risque en assurances, ne fonctionne à l'époque que sur de gros ordinateurs très coûteux. Nexpert, lui, se contente d'un banal micro-ordinateur. Et coûte 5 000 dollars, quand le moindre concurrent revient dix fois plus cher. " En France, se souvient encore Jean-Marie Chauvet, lorsque nous présentions notre projet, on nous a plus d'une fois ri au nez. Nos interlocuteurs financiers n'étaient souvent pas en mesure de comprendre notre technologie et l'intérêt qu'elle pouvait présenter. " Changement de décor de l'autre côté de l'Atlantique. A Cupertino, au siège d'Apple, nos trois aventuriers présentent leur invention à Alan Kay, transfuge de Xerox, père des icônes et des fenêtres. Le gourou se montre immédiatement intéressé par Nexpert, et recommande les trois jeunes gens. Le pied à l'étrier. En juin 1985, ils décrochent un chèque de 250 000 dollars pour créer leur société, Neuron Data, siège social à Palo Alto. En novembre de la même année paraît la première version de leur logiciel, bientôt adopté par Boeing et la NASA. Succès et croissance rapide. Neuron Data ouvre des filières au Japon, en Europe. En 1990, le jeune trio français refuse l'offre d'Oracle de racheter leur société pour 36 millions de dollars. " Nous avons peut-être commis là une erreur ", admet Patrick Perez. Mauvaise gestion, méconnaissance des règles du jeu singulier de la Silicon Valley ? Toujours est-il qu'en 1996 la compagnie qu'ils ont créée nomme à sa tête une nouvelle équipe dirigeante. Toujours membres du conseil d'administration, les deux compères rentrent en Europe, où l'un comme l'autre s'occupent désormais de capital-risque. Le premier à Londres pour la société Business Vision Development Ltd. Le second à Paris pour le compte de Dassault Développement. Pas forcément pour réfréner les ardeurs de ceux qui, comme eux il y a quinze ans, voudraient se lancer les yeux fermés dans la conquête de l'Ouest. Mais pour les alerter sur la difficulté de l'entreprise, ses risques. Pour expliquer encore, selon l'expression de Jean-Louis Gassée, autre Français de la Vallée, qu'il vaut souvent mieux se contenter de la minorité d'une entreprise bien financée que de conserver la " majorité d'un bateau qui prend l'eau ". Et, surtout, que la traversée de l'Atlantique n'est plus la condition sine qua non pour trouver des financements. |
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OLIVIER ZILBERTIN |
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