Le soleil se lève sur l'horizon des composants
Jean-Marie Chauvet
Informatiques Magazine, Tribune du 11 décembre 1998

Au début de cette année Iona et Visual Edge, champions du modèle objet Corba de l’OMG, obtenaient de Microsoft l’accès au code de COM — le modèle objet concurrent de Corba qui se trouve au cœur de toute l’architecture Windows de Microsoft. Dans le même temps, Sun abandonnait discrètement sa propre implémentation de Corba, le produit Neo, au profit de celle de l’éditeur Visigenic, lui-même acquis par Borland devenu Inprise aujourd’hui. Voilà qui semblait mettre fin à la " guerre des objets " déclarée au début des années 1990 et qui vit s’opposer Corba et COM. Le terrain de bataille s’était depuis déplacé vers l’Internet , dans l’adaptation fébrile de ces modèles objets aux nouveaux standards que le succès explosif du Web généralisait. Le crépuscule des objets à n’en pas douter ?

Crépuscule, plutôt orageux: trois coups de tonnerre successifs et rapprochés agitaient ce tableau apparemment ripoliné. Netscape rachetait la société Kiva, Sun s’emparait de Netdynamics et, il y a quelques semaines BEA Systems acquérait Weblogic ; chacune de ses trois transactions dépassant le milliard de francs ! Ces trois start-up, gobées par leurs grands anciens, sont des éditeurs de serveurs d’applications qui visent à renforcer l’infrastructure Web/Internet pour en faire une véritable plate-forme de déploiement d’applications d’entreprise. La vision technique qui sous-tend ces nouveaux serveurs d’applications est celle des composants logiciels. Objets et composants ne sont pas synonymes : les premiers concrétisent une discipline de programmation, les seconds sont l’expression fonctionnelle des processus et des métiers de l’entreprise. S’il est clair que les technologies objet sont le moyen le plus efficace de fabrication de composants logiciels, on peut tout à fait assembler des composants en applications sans recours aux objets — le succès naguère des composants VBX dans le monde Windows 16 bits montre un exemple de système de composants logiciels non objet. Les récentes acquisitions par les grands acteurs du marché de ces nouveaux champions du composant, (inséparable de sa plate-forme d’exécution, le serveur d’applications), sont à mettre en perspective avec l’évolution des grands éditeurs de progiciels comme SAP, Oracle, ou Sybase qui fragmentent leurs produits en composants logiciels de grain plus fin (BAPI chez SAP, NCA et cartouches chez Oracle, Jaguar chez Sybase). C’est l’aube des composants logiciels dont nous apercevons les premiers rayons.

Les technologies du composant logiciel s’appuient sur celle de l’objet dont elles sont l’évolution naturelle. Dans le monde Java, par exemple, les Java Beans et leur récente adaptation aux serveurs (plutôt qu’aux postes clients), les Enterprise Java Beans, constituent les spécifications d’un de ces systèmes de composants. Weblogic, dans sa plate-forme Tengah, l’avait très vite adopté ; d’autres éditeurs comme IBM et les start-upencore indépendantes comme Neuron Data , Allaire ouSilverStream s’y activent. Dans le monde Microsoft, les produits Microsoft Transaction Services(MTS) et Microsoft Message Queuing Services (MSMQ) sont construits sur la base modèle objet COM/ActiveX de l’éditeur. L’OMG prépare pour la version 3 de la norme Corba l’adoption d’un système de composants fondé sur l’architecture Beans, et Oracle, comme IBM, à nouveau, avec le projet de bibliothèque d’objets métier San Francisco, se positionnent pour en tirer les premiers bénéfices. D’autres enfin ont choisi l’approche originale qui consiste à utiliser XML comme outil de description et de pilotage de l’exécution de composants logiciels, dans le contexte de la plate-forme Web — Netaway en est le champion indiscutable en France avec son nouveau produit XMLWays. Si donc le soleil se couche sur les objets, il se lève aujourd’hui radieux sur les composants logiciels.


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