Les services Web
Jean-Marie Chauvet
XML Forum, novembre 2001

Du logiciel considéré comme service

Le mot d'ordre nouveau fleurit sur toutes les brochures des éditeurs de logiciels, petits et grands, acteurs établis et start-up : le logiciel est soluble dans le Web !

Le cri de ralliement " software as services " rassemble les ennemis de naguère, vétérans aguerris comme IBM, Sun, Hewlett-Packard, Microsoft ou Oracle, tout autant que la nouvelle génération de jeunes pousses, empanachées de leurs nouveaux acronymes, B2C , B2B , ASP , etc. Inspirée d'une vision ambitieuse, dans laquelle le futur du logiciel apparaît comme un " nuage " de services électroniques reposant sur le Web et offrant aux utilisateurs de choisir exactement ce qu'ils désirent, c'est toute l'industrie du logiciel qui apparaît aujourd'hui animée d'un esprit de conquête des nouveaux territoires " virtuels " des échanges économiques.

L'Internet est le catalyseur de cette ébullition : les applications informatiques sont de moins en moins conçues comme des programmes statiques, exécutés sur des mainframes, sur des minis ou sur des PC, mais comme des logiciels fonctionnant sur un réseau de serveurs, indistinctement localisés dans le " nuage ", auxquels le navigateur Web donne accès. Déjà la plupart des grandes firmes de l'industrie du logiciel proposent des abonnements à des versions hébergées des nouvelles versions de leurs progiciels. Déjà de nouvelles start-up proposent aux départements informatique de leur déléguer complètement l'assemblage et le déploiement d'applications Web qui s'intègreront aux applications déjà en place dans le système d'information de l'entreprise. Tout cela est aujourd'hui imaginable grâce à des standards ouverts et efficaces, dont l'Internet fut et continue à être le formidable promoteur.

Le Web n'est-il pas, en effet, précisément le meilleur vecteur pour la création de standards ; il permet à des groupes d'intérêt de se former (spontanément ou non) puis de collaborer étroitement, à un coût minime, suivant des procédures de décisions transparentes. D'autre part, l'ubiquité et l'accessibilité du réseau assurent la diffusion quasi-immédiate de ces standards une fois élaborés. Enfin l'Internet a engendré des institutions comme le W3C ou l'IETF qui ont montré qu'il est possible de développer des normes robustes et publiques. On pourrait ainsi peindre le parallèle entre le développement du mouvement Open Source et celui des services Web. Dans le premier cas, des milliers de programmeurs coopèrent depuis le début des années 90, sans souci de frontières ou de rémunération, à construire des logiciels dits ouverts ; le courrier électronique est leur principal outil de communication, les standards de l'Internet eux-mêmes sont souvent le point de départ de leurs travaux et Linux est aujourd'hui le produit le plus visible de cette nouvelle forme de réseau coopératif. De la même manière dans le second cas, assourdissant temporairement les éclats de la confrontation de leurs intérêts commerciaux concurrents, les entreprises du secteur informatique et d'autres secteurs industriels travaillent aujourd'hui collectivement, au sein des institutions Internet ou bien réunies dans des " initiatives " constituées ad hoc (reconnaissables au suffixe " .org " de leurs adresses Web), au développement du prochain échelon des standards Internet. Les services Web et les standards XML sur lesquels ils sont bâtis sont aujourd'hui le premier produit de ce vaste mouvement collectif. Ainsi tout le secteur de l'informatique d'entreprise se trouve aujourd'hui à la veille d'engendrer un bouleversement profond de ses modes opératoires et de ses équilibres économiques.

Les services Web, " Plan Marshall " du B2B

Mais c'est ignorer l'éclatement de la " bulle financière " de l'Internet des années 2000-2001 se récrieront peut-être certains. N'en est-il pas des services Web ce qu'il en est malheureusement de tout effet de mode, aussi vif que soit son succès : une passade éphémère tôt oubliée ? Après les cuisants échecs des " dot coms ", naguère encensées, aujourd'hui couvertes d'opprobre (souvent, d'ailleurs, par les mêmes analystes financiers), les entreprises B2B ont suivi, début 2001, le même déclin.

Souvent lancées au plus haut des marchés boursiers, les places de marché B2B n'ont pas affiché les revenus qu'elles avaient promis. Emportées par la récession économique particulièrement sensible dans le domaine de la haute technologie, elles ont démontré, au prix fort, qu'agréger rapidement quelques fournisseurs autour de quelques progiciels ne suffit pas à créer et à animer un marché. C'est oublier les capitaux, les liquidités, et, bien sûr, les acheteurs et le tissu traditionnel des relations qui les lient à leurs fournisseurs.

Réunir ces conditions semblait, en revanche, l'avantage indéniable d'une seconde approche du B2B : les consortium industriels regroupant à leur actionnariat les grands acteurs d'un secteur (automobile, aéronautique, sidérurgie, etc.). Les membres (et actionnaires) de la place de marché lui garantissent en effet un revenu récurrent. Mais en pratique, la faiblesse des marges opératoires, la menace d'accusations de collusion ou de formation de cartel et le mauvais écho auprès des fournisseurs, prompts à percevoir ces places de marché industrielles comme une entente entre acheteurs visant à réduire encore leurs marges, ont largement freiné le développement du B2B sectoriel.

Pourtant, une troisième approche, justement fondée sur l'emploi des services Web, semble prometteuse : les places de marché privées ou échanges B2B privés. Contrairement aux places de marché indépendantes et publiques et à l'opposé des consortiums visant les uns comme les autres à mettre en concurrence acheteurs et vendeurs en grand nombre, une place de marché privée permet à un acteur industriel d'orchestrer son réseau propre de fournisseurs, de partenaires et de clients en instaurant une forme minimale de contrôle des transactions. Alors que les approches précédentes se voulaient générales et systématiques, les échanges B2B privés s'attachent, avec pragmatisme, à établir des relations ad hoc entre parties prenantes aux transactions - une caractéristique que nous retrouverons d'ailleurs à propos de la comparaison des approches d'intégration d'applications d'entreprise aujourd'hui permises par les services Web. La nature contrôlée de ces échanges permet ainsi d'y afficher des informations sensibles de prix ou d'inventaire, par exemple, à un premier cercle de clients ou de fournisseurs ; de même la concurrence ne s'y exprime pas uniquement par les prix mais également par les caractéristiques des produits, toutes subtilités en général inaccessibles ou impossibles sur leurs équivalents publics. De plus, la nature ad hoc de ces échanges privés n'exclut pas leur utilisation conjointe avec des places de marché publiques. Ainsi, malgré le déclin et la chute des premières tentatives B2B, le Boston Consulting Group anticipe qu'en 2004, un tiers des transactions entre sociétés se concluront en ligne aux USA (et un cinquième en Europe).

Si l'on suit cette analyse il faut admettre la nécessité d'un bouleversement technique profond de l'architecture du système d'information pour mettre l'Internet et le Web bien plus au cœur de l'informatique d'entreprise. Cette transformation, précisément articulée autour des services Web, n'est et ne sera évidemment pas instantanée. Rendue possible par la généralisation de l'adoption généralisée d'XML comme lingua franca des services Web, cette reconstruction est maintenant la grande affaire de l'informatique d'entreprise et interentreprise.

XML ou la transformation de l'Internet en plate-forme informatique intégrée

Formellement standardisé par le W3C en février 1998, XML a été adopté très rapidement tant par les éditeurs historiques de progiciels d'entreprise que par les start-up issues de la vague B2B. Les fournisseurs d'ERP utilisent XML comme format d'intégration facilitant la migration de leurs progiciels vers l'Internet. Les éditeurs de middleware fondent leur architecture technique sur XML. Les membres de la communauté Java travaillent au couplage de J2EE et d'XML - des liaisons s'étendant dans les deux directions : utilisation d'XML dans la programmation Java et utilisation de Java et des EJB pour l'implémentation des spécifications et des protocoles XML des services Web. Les fournisseurs de bases de données, enfin, offrant la traduction du format relationnel au format XML et vice versa.

Les raisons d'un tel consensus autour d'une norme technique sont à chercher du côté de la simplicité et de la richesse d'expression d'XML :

  • XML repose sur le balisage d'un flux de texte, comme HTML ;
  • XML est un format pratique de sauvegarde de données ;
  • XML est un format pratique d'échange de données, à la fois entre programmes (de serveur à serveur) et entre programme et utilisateur (de serveur à client) ;
  • XML est un format de sauvegarde de documents ;
  • XML peut, plus généralement, déclencher l'exécution de tâches les plus variées.

Sur cette base, des analystes comme le Gartner Group prévoient que XML deviendra le format standard sur le Web pour les applications d'entreprise d'ici quelques années. L'intérêt porté par Microsoft à XML est l'un des indicateurs de cette transformation significative. XML est l'un des piliers technologiques (avec C# et l'enrichissement du modèles de composants DCOM) de l'architecture .NET du géant de Redmond. BizTalk et ses évolutions récentes, comme XLANG, montrent la voie que Microsoft emprunte pour ancrer plus solidement encore sa stratégie de développement au Web et à l'Internet.

En fait, il est notable de constater aujourd'hui la confluence de quelques grands courants dans l'industrialisation du Web (au profit de l'informatique d'entreprise) :

  • l'installation d'XML au cœur de l'architecture .NET, contemporaine de l'effort marketing et commercial de Microsoft visant à imposer en entreprise sa gamme de produits .NET Enterprise Servers ;
  • le couplage de Java (J2EE) et d'XML, constituant les briques de base d'une infrastructure de commerce électronique généralisée : Java rend les applications portables, XML rend les données portables ;
  • la révolution portée par XML dans le domaine de la gestion des contenus (content management) : XML décrit à la fois le contenu et son contexte d'utilisation ;
  • le rôle de format d'échange universel joué par XML, clé de voûte de l'intégration en temps réel des applications (intra et interentreprises), par opposition au traitement batch traditionnel - une condition pré-requise pour le succès du secteur B2B.

Soumise à ces mouvements de fonds, une véritable écologie XML se met progressivement en place.

XML pour les éditeurs de logiciels B2B

L'intégration d'applications d'entreprise représente une part considérable des projets B2B et beaucoup d'éditeurs de logiciels B2B, comme WebMethods, BroadVision ou CommerceOne, voire d'éditeurs de progiciels B2B spécialistes d'un secteur particulier, comme i2 ou Ariba, sont enclins à offrir ces services eux-mêmes. Tous ou presque ont choisi XML pour ce faire. BlueStone et WebMethods sont deux exemples frappants de l'importance acquise par XML dans l'architecture B2B et de sa valorisation par le marché. BlueStone, fondée en 1989 comme société de conseil, avait développé Sapphire/Web, un serveur d'applications dont la livraison de la version 6.0 a permis l'IPO de l'éditeur en 1999. Ayant joué un rôle de pionnier de la mise en œuvre d'XML dans les serveurs d'applications Web, BlueStone s'est vue rachetée par Hewlett-Packard en octobre 2000 (pour la coquette somme de 450 millions de dollars) à une valorisation de plus de cinq fois son chiffre d'affaires estimé pour 2001 à la date de l'acquisition - une preuve de plus de l'importance de l'enjeu d'XML pour le secteur B2B. WebMethods ambitionne de devenir l'instrument le plus complet d'intégration pour les éditeurs B2B. Également pionnier de l'emploi d'XML comme couche d'intégration des applications d'entreprise, WebMethods, créée en 1996, a été introduite au NASDAQ en novembre 1999 - avec un succès typique de la " bulle financière " - ce qui lui permit de compléter son offre par l'acquisition de technologies et de sociétés complémentaires comme Active Software - spécialiste des connecteurs entre progiciels pour l'intégration.

Ce segment de marché n'est pas non plus laissé en friche par les grands éditeurs de progiciels d'ERP, SAP en tête. Chez cet éditeur, le produit Business Connector vise ainsi à " ouvrir " son produit phare R/3 aux transactions Internet. S'appuyant en fait sur la technologie XML de Software AG (en particulier sur EntireX et sur Tamino), Business Connector permet de construire des transactions entre R/3 et un serveur ou un navigateur Web. SAP a également forgé une alliance avec WebMethods autour de Business Connector.

Tout le secteur des éditeurs de logiciels ou d'outils B2B est donc en train de se restructurer rapidement, poussé par (et précipitant) l'adoption d'XML comme infrastructure d'adaptation des applications d'entreprise aux contraintes du B2B.

XML pour les fournisseurs de middleware

Deux des plus grands éditeurs de middleware, IBM et BEA, sont devenus les champions de l'usage d'XML comme format d'échange de données. Le succès du serveur d'applications WebSphere et des outils de développement VisualAge, d'une part, la position dominante de MQSeries dans le marché des middleware à base de messages, d'autre part, ont rapidement conduit IBM à explorer les possibilités offertes par XML dans ce secteur. IBM est le champion d'une vision des services Web reflétant l'architecture technique des serveurs d'applications (en incluant des notions de sécurité, d'authentification, d'annuaires, etc.) dans laquelle XML permet de décrire des processus d'entreprises (avec WSDL ) et leurs interactions (avec WSFL ).

De son côté, depuis la livraison de WebLogic Server 6.0, BEA est significativement engagé dans le camp XML. Résultat de l'acquisition de la société WebLogic par BEA, la fusion du serveur d'applications Java de WebLogic avec les middleware transactionnels de BEA a donné naissance à une plate-forme complète de développement et de déploiement d'applications à base de services Web. XML y est utilisé à la fois pour l'intégration du serveur aux applications préexistantes de l'entreprise et pour la couche de présentation, qui décrit l'interface avec l'utilisateur.

Notons ici que XML Schema, l'utilisation du balisage XML pour décrire des structures de données (relationnelles et orientées objet), adoptée comme recommandation officielle par le W3C au début du mois d'avril 2001, joue ici un rôle essentiel. Grâce à XML Schema, en effet, un document peut servir de message structuré entre serveurs Web, portant à la fois les données et la description de leur structure, nécessaire à leur interprétation correcte par le destinataire. C'est en fait un échelon d'abstraction et de généralité supérieur à celui où s'arrêtent les middleware objet des systèmes de composants logiciels Corba, DCOM et EJB.

Du côté des éditeurs de logiciels du camp Corba, XML a été rapidement incorporé dans les offres compatibles avec la norme de l'OMG. Cette incorporation s'articule autour de deux usages d'XML : publier les interfaces des composants logiciels (Corba ou EJB) permettant ainsi de faire très facilement le lien entre un service Web et une implémentation Corba ou Java ; décrire les informations de configuration des composants logiciels (Corba ou EJB) pour le déploiement d'une application à objets répartis. Les grands éditeurs de la communauté Corba comme Iona ou Borland illustrent cette approche.

Microsoft n'est évidemment pas inactif et le protocole de communication fondé sur XML, SOAP , à la spécification duquel il a fortement contribué, est en train de s'imposer de facto dans la communication entre services Web. De même, les livraisons du middleware asynchrone de Microsoft, MSMQ (Microsoft Message Queue), incorporent un parseur XML traitant les messages reçus sous ce format.

XML pour les fournisseurs de bases de données

XML est d'autant plus important pour les fournisseurs de bases de données que tous ou presque ont techniquement développé leurs produits pour les transformer en véritables serveurs d'applications. En mettant le système de gestion de bases de données au centre de l'architecture d'applications d'entreprise, tous les éditeurs du secteur contribuent à la promotion d'une vision transactionnelle des applications réparties, puis maintenant des applications Web, s'adaptant au commerce électronique. Derrière le leader Oracle, les opérations de consolidation comme le rachat d'Informix par IBM au printemps 2001 ou encore l'acquisition du spécialiste du middleware, Neon, par Sybase témoignent de la nouvelle effervescence engendrée par le développement de ces marchés prometteurs.

Alors que l'on pourrait penser que l'incompatibilité du modèle (algébrique) relationnel et du modèle hiérarchique d'XML joue en leur défaveur, les éditeurs de SGBD voient au contraire en XML, et en particulier dans la norme XML Schema, une nouvelle opportunité d'enrichir la fonctionnalité du serveur de données. De la même manière que le débat de naguère sur les vertus comparées des bases de données orientées objet et des bases de données relationnelles avait finalement tourné à l'avantage des plus forts commercialement, ayant su faire évoluer le modèle relationnel vers un modèle hybride objet-relationnel - devenu aujourd'hui un standard de facto -, l'adoption d'XML se généralise sans état d'âme dans la plupart des SGBD du marché. Le serveur de données se double d'un serveur de documents XML.

Ici, non seulement le document XML peut être sauvegardé dans la base de données elle-même, bénéficiant alors de toutes les fonctions d'indexation, de recherche, de sécurité, de réplication, etc., habituelles dans ces systèmes, mais il devient, grâce à XML Schema et XPath, un outil supplémentaire d'intégration lorsque, par exemple, toutes les structures des tables et des index d'une base peuvent être exportés dans un document XML Schema vers une application locale ou distante sur le Web. De plus, le rôle critique des annuaires dans la fluidité de fonctionnement des services Web, la norme UDDI s'appuyant en fin de compte sur des bases de données, ne diminuera pas, bien au contraire, l'importance des SGBD dans ce dispositif. XML renforce donc la vision transactionnelle des échanges B2B qui met les données au centre du commerce électronique, encourageant ainsi les éditeurs de SGBD, champions de l'industrialisation de ces idées, à inclure rapidement XML dans leur offre.

XML pour les fournisseurs de contenus

Il faut compléter ce tour rapide des acteurs concernés par la " prise de pouvoir " d'XML (en revenant aux racines mêmes d'XML, la publication de documents structurés), dont les fournisseurs de contenus sont évidemment les premiers bénéficiaires. Si, comme on l'a vu, les données sont au cœur du commerce électronique et des applications B2B, elles n'en restent pas moins que la trace des traitements et de la dynamique des échanges d'information. Le document est, quant à lui, au cœur de cette dynamique. À la fois contrat ou spécification, message ou appel de procédure, description de service ou API, requête ou résultat de la requête, lisible par l'utilisateur ou se prêtant à un traitement automatisé, le document protéiforme est avant tout un contenu destiné à être publié.

La norme XML a donné lieu à de nombreuses tentatives de standardisation utiles aux détenteurs d'information souhaitant les publier. Citons en vrac ICE (Information and Content Exchange) promu initialement par Vignette pour l'agrégation et la diffusion d'informations, et la longue série de protocoles ou de standards pour le commerce électronique (OBI, OTP, eCO, cXML, ECML, etc.) dont les plus aboutis sont aujourd'hui ebXML et RosettaNet.

Les normes complémentaires à XML, comme XSL et XSLT, XPath, XPointer, XML Schema, sont essentielles pour la publication de contenus variés au travers de canaux de diffusion très divers (du PC à l'assistant personnel jusqu'au téléphone portable et à la télévision). En effet, ces normes séparent le contenu à proprement parler, les données, de leur présentation à l'utilisateur. Le même contenu - un document XML - peut ainsi être présenté différemment sur différents terminaux par le jeu intercalaire de différentes feuilles de styles XSL ou CSS. D'autres transformations, plus complexes, peuvent être automatisées avec XSLT, enrichissant ou appauvrissant le contenu, par exemple, en fonction du profil d'utilisation : souhaite-t-on voir un résumé d'informations boursières sur la première page d'un portail d'entreprise où la place est rare et chère, ou bien, au contraire, doit-on afficher une analyse exhaustive et complète sur une chaîne Web financière spécialisée ? Le contenu peut être efficacement utilisé et réutilisé, changeant au passage l'économie de la chaîne de publication de documents. XML, utilisé par ces fournisseurs à la fois comme contenu et comme contenant, contribue activement à l'automatisation des processus de publication et de rémunération de contenus.

Les services Web, étape suivante de l'intégration d'applications

La conjonction actuelle de ces tendances, le retour en grâce du logiciel considéré comme service, le dégonflement de la bulle financière et la remise en question de la première génération des modèles B2B et B2C, l'adoption rapide et généralisée d'XML par les différentes catégories d'acteurs de l'industrie informatique, ouvrent probablement un deuxième âge dans l'évolution du Web. Tout se passe comme si l'on assistait à la récupération du Web par l'informatique d'entreprise.

En effet, dans la première phase de développement du Web, toutes les questions tournaient autour de l'utilisateur et de l'accès. La bataille des navigateurs Web faisait rage, les versions d'HTML évoluaient rapidement, le langage de programmation Java, encore neuf, ne servait guère qu'à construire de petites applets pour animer d'austères pages Web. Le débat entre, d'un côté, les zélotes de la séparation du navigateur Web des applications et (surtout) du système d'exploitation du poste client et, de l'autre, les intégristes pour qui le navigateur Web est le poste client dégénérait en fastidieuses batailles légales entre Microsoft et un conglomérat divers d'éditeurs entraînés par Netscape. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? De la même manière que le centre d'intérêt des acteurs du Web s'est déplacé de l'utilisateur final (B-to-C) vers l'entreprise (B-to-B), les technologies se déplacent des postes clients vers les serveurs et les réseaux de serveurs. La communication serveur-serveur prend le pas sur la navigation client-serveur de l'étape précédente. La plupart des efforts de recherche et de standardisation XML d'aujourd'hui ne portent plus sur la fonctionnalité de publication de documents, mais bien sur les scénarios d'usage de documents XML dans l'intégration d'applications intra et interentreprises. Et l'on redécouvre au passage que l'on est confronté finalement aux mêmes problèmes d'intégration d'applications qu'au début des années 1990, lorsque Microsoft et l'OMG se lançaient concurremment dans la course à l'élaboration d'un modèle orienté objet de l'intégration d'applications à l'intérieur de l'entreprise - aboutissant à DCOM d'un côté et à la norme Corba 3.0 de l'autre - dont l'effet de bord majeur fut de légitimer le développement d'applications à base de composants logiciels. Les concepts et les modèles élaborés dans cette course à la fois technologique et commerciale se trouvent donc tout naturellement aujourd'hui guider les travaux du W3C autour d'XML et se reflètent pratiquement à l'identique dans le développement d'applications à base de services Web. Pendant dix ans, on a cherché à intégrer entre elles les applications internes au système d'information de l'entreprise ; pendant les dix prochaines années, on cherchera à intégrer les entreprises entre elles via le réseau d'information du Web.

Une différence importante est toutefois notable. Alors que dans le modèle d'applications réparties fondées sur DCOM, EJB ou Corba, il fallait à leurs champions imposer à la fois l'infrastructure et les modèles composants/assemblages nécessaires à ces applications, dans l'évolution qui s'annonce vers les services Web, l'infrastructure est déjà en place - continuant d'ailleurs à croître et s'enrichir - et, devant la globalité des enjeux, tous les acteurs industriels partagent une base commune (XML confiée au " sanctuaire " W3C) que chacun individuellement et tous collectivement ont intérêt à adopter. Ainsi, contrastant vivement avec les querelles d'incompatibilité qui, tout au long de la longue élaboration des applications réparties à base de composants logiciels, ont risqué de miner les développements techniques, l'interopérabilité est une caractéristique intrinsèque des applications et des services Web, s'imposant par l'ubiquité et l'universalité du Web à une industrie qui trouve enfin son intérêt dans la coopération sur des protocoles communs.


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